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Etage supérieur d’Ariane 6 : tests à feu d’un concentré d’innovations 04/07/2024 |  2 minutes

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Retour sur les essais à feu des étages d’Ariane 6 : épisode 3

 

En parallèle des essais combinés réalisés au Centre spatial guyanais à Kourou, l’étage supérieur d’Ariane 6 a été également testé en Allemagne. En effet, même si le lanceur de Kourou comprenait un étage supérieur entièrement fonctionnel, celui-ci étant positionné au-dessus de l’étage principal, son moteur Vinci n’a pas été allumé. C’est pourquoi les équipes d’ArianeGroup, de l’Agence spatiale européenne (ESA) et de l’Agence spatiale allemande (DLR) ont testé l’étage à feu à Lampoldshausen, dans le Bade-Wurtemberg.

 

Assemblé sur le site ArianeGroup de Brême (Allemagne), l’étage supérieur cryogénique est un concentré d’innovation. Il se compose de deux réservoirs d’hydrogène liquide et d’oxygène liquide qui alimentent le nouveau moteur Vinci, ré-allumable jusqu’à quatre fois, ainsi que l’APU, (Auxiliary Propulsion Unit), une unité de propulsion innovante. L’APU permet de pressuriser les réservoirs de l’étage, et de préparer les rallumages du moteur Vinci en impesanteur, en « tassant » les ergols vers le bas des réservoirs. Il peut également générer des poussées complémentaires à la demande, une fonction qui s’avère notamment particulièrement utile pour la séparation des satellites par « grappes », ou pour améliorer la précision d’injection sur l’orbite finale. Enfin, l’APU permet aussi de désorbiter l’étage en fin de mission, conformément à la loi spatiale. Cette architecture confère au lanceur la capacité de réaliser le plus large spectre possible de missions de lancements complexes et combinés, telles que le déploiement de constellations en orbite basse (LEO) ou l’envoi de charges utiles de 4,5 à 12 tonnes en orbite de transfert géostationnaire (GTO). 

Conçu pour fonctionner dans le vide spatial

L’étage supérieur a subi le feu pour la première fois le 5 octobre 2022 sur le site d’essai de l’Agence spatiale allemande DLR (Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt) à Lampoldshausen, sur un banc de test dédié, appelé P5.2. Un second test a été effectué le 20 janvier 2023. Il s’agissait de mettre en œuvre les principales fonctionnalités de l’étage et du banc d’essai, avec remplissage des réservoirs et mise en fonctionnement de tous les systèmes de bord avec le moteur Vinci et l’APU.

 

La complexité réside dans la préparation et la conduite de l’essai au sol avec un étage conçu pour fonctionner dans le vide spatial, en impesanteur. Les tests doivent être menés en toute sécurité, en préservant l’étage et le banc d’essai de toute conséquence d’un événement imprévu, via des scénarios de tir avorté pouvant se matérialiser à tout moment au cours de l’essai. Des analyses préalables permettent de gérer au mieux l’ensemble des risques possibles : un premier type d’analyse au niveau sous-système pour anticiper toutes les modes de défaillance possibles de ces derniers, complété par une analyse au niveau système étage et une analyse par phase de vie de l’étage sur son banc d’essai.

Essai représentatif du vol inaugural

Point d’orgue de la campagne à Lampoldshausen, les équipes ont réalisé le 1er septembre 2023 un essai à feu représentatif de la phase de vol de l’étage supérieur jusqu’à la mise à poste des charges utiles lors du vol inaugural d’Ariane 6. Le moteur Vinci a fonctionné plus de 11 minutes, en deux allumages appelés « boosts », dont deux boosts de l’APU en parallèle, incluant la gestion de la pression et de la température des ergols dans les réservoirs pendant la phase non propulsive. L’APU a alors fonctionné pendant durée cumulée 30 minutes. Cet essai critique a permis de s’assurer que l’étage supérieur d’Ariane 6 était apte au premier vol.

 

Enfin, le 7 décembre, un essai de l’étage en conditions dégradées a été effectué, démontrant la reproductibilité et la fiabilité des opérations répétées et optimisées lors des précédents tests. Le fait que ce test n’ait pu être mené à son terme suite à un arrêt du moteur sur déclenchement de surveillance après deux minutes de fonctionnement montre les difficultés auxquelles les équipes doivent faire face au cours de tels essais, et leur capacité à les gérer. Il a cependant permis d’obtenir l’essentiel des résultats escomptés. A la suite des investigations techniques et des résultats de l’analyse effectuée, l’ESA a confirmé que la période de lancement du vol inaugural d’Ariane 6 reste inchangée.

 

Le dernier essai à feu de l’étage supérieur d’Ariane 6 s’est déroulé avec succès au banc de test P5.2 du DLR à Lampoldshausen le 12 avril 2024.

Une aventure unique

A l’issue de ces campagnes en Guyane française et en Allemagne, les équipements, les moteurs et enfin les deux étages au complet du lanceur auront donc été testés, y compris dans l’environnement du système de lancement complet pour ce qui est de Kourou.

 

Les équipes de l’ESA, du CNES, du DLR et d’ArianeGroup auront affronté et surmonté ensemble les difficultés, et vécu cette aventure assez unique dans une carrière : réaliser les premières opérations de chronologie sur un nouveau lanceur spatial. Les bons résultats de ces campagnes d’essais sont le résultat d’une étroite coopération entre les acteurs et entre les équipes sur le terrain. Une nouvelle aventure est en cours, celle de la campagne de lancement, en route vers le premier vol.

« Il s’agit ici de tests d’un tout nouvel étage cryotechnique équipé de deux nouveaux moteurs de poussée différente, d’un nouveau système de contrôle/commande embarqué et d’un nouveau banc d'essai. C’est du jamais vu en Europe depuis bientôt 40 ans. »

Valérie de Korver, Responsable des tests système Ariane 6

Visualiser la vidéo de l’essai à feu de l’étage supérieur