Une seconde ou rien ! La fenêtre de tir ultra précise de JUICE

Suite au succès du lancement de la sonde JUICE par Ariane 5, retour sur les éléments techniques de la fenêtre de tir de la sonde en direction de Jupiter avec Stéphane Leboucher (Head of Ariane Mission Preparation and Customization).

Quand c’est l’heure, c’est l’heure ! JUICE a décollé le 14 avril dernier à précisément 12h14 et 29 secondes UTC. Pour comprendre cette spécificité, il faut revenir sur la trajectoire particulière de la sonde en route vers Jupiter et ses lunes glacées. L’ensemble de la mission JUICE nécessite plusieurs assistances gravitationnelles (lisez l’article sur les assistances gravitationnelles https://arianegroup.preprod.sweetpunk.io/fr/actualites/que-la-force-soit-avec-votre-vaisseau-spatial/) pour arriver à destination. La sonde survolera la Terre (ou le système Terre-Lune) 3 fois et Vénus (et plus précisément dans cet ordre : Terre-Lune, Venus, Terre, Terre) avant d’être « catapultée » vers le système jovien. Là, elle utilisera à nouveau la même technique, cette fois pour se freiner et se placer en orbite autour de Jupiter et de ses lunes. 

On a beaucoup insisté sur l’importance de lancer JUICE au mois d’avril, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Stéphane : Les périodes de lancement étaient déterminées principalement par ces différents rebonds gravitationnels qui sont prévus par la sonde. Compte tenu de la position des astres au fil des mois, c’est au mois d’avril que la trajectoire était la plus optimale pour JUICE. Une autre option, moins idéale si nous n’avions pas pu lancer dans ce créneau d’avril, aurait été de lancer en août. 

L’heure avait également son importance avec une fenêtre de tir d’une seule seconde ! À quoi cela était-il dû ?
Stéphane : Nous n’avions pas de contrainte forte sur l’ensoleillement (exception faite de la protection des instruments de JUICE) sur cette mission comme nous avions pu en avoir lors du lancement de James Webb [ndlr : il était important que le télescope JWST puisse ouvrir ses panneaux solaires le plus rapidement possible afin d’économiser du carburant]. Là encore, l’heure du tir (12h15 et une seconde UTC le 13 puis 12h14 et 29 secondes UTC le 14, avec environ 30 secondes d’écart chaque jour s’il y avait eu de nouveaux reports), était liée à la trajectoire de JUICE, à l’instant et à l’endroit où nous devions livrer la sonde et lui permettre d’effectuer ses premières manœuvres avant le premier rebond gravitationnel. 

Quand se termine ou s’est terminée la mission des ingénieurs ArianeGroup pour le lancement de JUICE ?
Stéphane : La mission pour ArianeGroup s’est arrêtée peu après à la séparation de JUICE sur son orbite de libération de l’attraction terrestre, la sonde ayant suffisamment de capacités de manœuvres pour récupérer tout écart éventuel d’injection. Cependant l’injection par Ariane 5 ayant été parfaite, les premières corrections d’orbites prévues par la sonde n’ont pas été nécessaires.

 

Notre mission a pris fin environ 1 000s après la séparation de la sonde, une fois que l’étage supérieur a effectué toutes ses manœuvres d’éloignement et de mise en sécurité par rapport à la sonde, la Lune ou la Terre.

Quelles étaient les autres spécificités, peut-être au niveau du lanceur pour cette mission ?
Stéphane : nous avions moins de particularités du lanceur liées à la sonde cette fois (en comparaison avec James Webb qui a nécessité une adaptation de la coiffe).

Il aura néanmoins fallu vérifier pour JUICE que le lanceur Ariane 5 ECA, dédié habituellement aux missions bicharges, était adapté à cette mission monocharge en « tir de jour ». Par exemple, nous avons procédé à l’adaptation du pilote d’Ariane 5 pour contrôler le lanceur lors de cette mission monocharge. C’est similaire à ce que nous avions fait pour BepiColombo, même si ici l’orbite et la vitesse de libération étaient différentes pour respecter la demande de la sonde. L’idée est que le lanceur donne le maximum de vitesse pour que la sonde conserve ses ergols pour faire des corrections d’orbite si nécessaire et optimiser ses survols gravitationnels.

Est-ce que cette mission était plus stressante pour les équipes que les autres lancements ?
Stéphane : C’est vrai qu’il s’agissait d’une mission plus emblématique (dernière mission scientifique d’Ariane 5 pour le compte de l’ESA) que ce que nous avons l’habitude de faire sur une mission GTO bicharge. Cela dit, ce que je dis toujours, c’est que le lanceur au moment où l’on dépose la charge utile à son sommet, ne sait pas ce qu’il va faire. Il ne fait que suivre ce que le programme de vol lui dit de faire. A nous de vérifier que le programme est bien adapté. Mais les équipes ont prêté la même attention pour préparer cette Ariane 5 ECA que pour n’importe quel autre lanceur Ariane, peu importe le lancement.

Est-ce que les équipes ont tout de même ressenti quelque chose de particulier ?
Bien sûr ! Participer à ce genre de mission scientifique nous rend toujours fiers. Par exemple, pour Rosetta, nous nous sommes tenus au courant pendant les 10 ans de trajectoire de la sonde vers la comète « Tchouri » (67P/Churyumov-Gerasimenko). Nous aimons suivre la mission de l’objet précieux que nous avons eu l’honneur de mettre sur notre lanceur.

 

En attendant d’avoir des nouvelles de JUICE, revivez ce lancement incroyable à nos côtés.