Ariane 5 : Fusée unique, missions emblématiques – ARD

Après 27 ans d’exploits et 111 lancements réussis, Ariane 5 s’est envolée pour la dernière fois le 4 juillet dernier. Nous continuons notre série retraçant quelques-unes de ses missions les plus marquantes.

 

La communauté spatiale a pris conscience de sa responsabilité en matière de durabilité et de sécurité dans l’espace. La maîtrise des technologies de rentrée pour l’élimination des satellites en fin de vie, la mise au point des lanceurs réutilisables ou le transport d’équipages et de cargos ravitailleurs, joue un rôle primordial en la matière. Aujourd’hui, retour sur l’une des missions clé de la désormais légendaire Ariane 5, qui a permis à l’Europe d’accéder à cette technologie.

Le 21 octobre 1998 s’est déroulé un événement historique dans le petit monde de l’industrie spatiale. Peu après 20h, une capsule plongeait dans le Pacifique au terme d’un voyage de 30 000 km, avant d’être récupérée par un bâtiment de la Marine qui attendait ce retour.

 

Cette capsule, c’est celle du véhicule de rentrée ARD (Atmospheric Reentry Vehicle) lancé 1 heure, 41 minutes et 14 secondes plus tôt seulement à bord d’un lanceur Ariane 5, en vue d’expérimenter un retour sur Terre.

 

Premier véhicule suborbital de rentrée guidée dans l’atmosphère fabriqué, lancé et récupéré par l’Europe, l’ARD était un projet de développement phare pour l’Europe spatiale, véritable précurseur des missions d’exploration du futur. Avec cette expérimentation, l’industrie européenne prouvait qu’elle était capable non seulement de lancer un véhicule dans l’espace, mais également de le récupérer en toute sécurité. Avant cela, seuls les Etats-Unis et la Russie maîtrisaient cette technologie.

L’Europe avait déjà fabriqué des satellites pour toutes sortes d’applications scientifiques, gouvernementales et commerciales, et fourni un accès à l’espace grâce aux lanceurs de la famille Ariane, mais avec la mission ARD, elle voulait cette fois montrer qu’elle savait tout aussi bien gérer le cycle complet d’un vol spatial – du décollage à l’atterrissage – en utilisant Ariane et son propre savoir-faire. Ce programme de l’Agence spatiale européenne (ESA) était donc le premier du genre pour mettre au point des véhicules spatiaux européens capables de remplir un très large spectre de missions.

 

Ce jour-là, Ariane 5 accomplissait avec maestria sa mission V503 qui, rappelons-le, représentait son troisième et dernier vol de qualification. Après avoir décollé du port spatial européen de Kourou à 13h37 (heure locale) et largué ses EAP, sa coiffe et l’étage supérieur à respectivement H0 + 2’23, 3’13’’ et 9’59’’, Ariane 5 éjectait l’ARD après exactement 12 minutes et 2 secondes de vol. Il atteindra un apogée de 830 km d’altitude avant d’entamer sa mission de retour sur Terre.

Au cours de sa descente d’environ une heure et demie à travers l’atmosphère, l’ARD a transmis, grâce à sa suite ultramoderne de capteurs et d’instruments embarqués, plus de 200 paramètres critiques pour analyser le vol, le processus de rentrée, les températures extrêmes subies par le bouclier de protection thermique (jusqu’à 900°C pendant la rentrée), les facteurs de charges aérodynamiques, le niveau vibratoire et le comportement des équipements de bord. Au moment de son approche finale, à 14 km d’altitude, et alors qu’il chutait encore à plus de 800 km/h, l’ARD a déployé ses parachutes de freinage pour amortir son amerrissage dans le Pacifique, qu’il a exécuté en douceur et pile dans la zone cible de 5 km.

L’analyse des données de vol et de l’état de l’ARD confirmera le plein succès de la mission qui a offert à l’Europe sa première expérience de rentrée atmosphérique guidée et pilotée avec récupération. Grâce à l’ARD, l’Europe a démontré ce jour-là sa maîtrise des technologies indispensables au retour de véhicules spatiaux sur Terre comme pour entreprendre des voyages lointains vers d’autres planètes.

 

La prouesse d’Ariane 5 a rendu cela possible.